Le Geneva Center for Security Policy (GCSP)

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Le Geneva Center for Security Policy est dédié aux questions de paix et de sécurité. Cette Fondation internationale, créée à l’initiative du Gouvernement suisse en 1995, utilise la formation, l’analyse et le dialogue pour la promotion de la paix et de la sécurité internationale. Son directeur depuis 2013, l’Ambassadeur suisse Christian Dussey, explique les particularités du GCSP.

Auteur : Catherine Fiankan-Bokonga

Dans quel contexte l’idée de la création du Centre a-t-elle vu le jour ?
Lorsque le Président des Etats-Unis Ronald Reagan et le Secrétaire général de l’URSS Mikhail Gorbatchev se sont rencontrés à Genève, en novembre 1985, signalant une période de détente entre les grandes puissances, la Suisse y a vu une opportunité pour sa politique extérieure et de sécurité. N’appartenant à aucun bloc, elle a souhaité apporter sa contribution dans le cadre de sa traditionnelle politique étrangère de bons offices et de médiation.
A l’époque, la Confédération était toutefois confrontée au manque d’expertise en matière de politique de sécurité, de désarmement et de contrôle des armements tant au sein de son Corps diplomatique qu’au sein du Département militaire fédéral (Ministère de la défense). C’est ainsi qu’a émergé l’idée de formation spéciale et accélérée pour pallier à ce déficit et saisir l’opportunité qu’y s’offrait.
Le Département militaire fédéral décida de créer et de financer au sein de l’Institut de Hautes Etudes Internationales (IHEI), dans le programme d’études stratégiques, un cours de huit mois s’adressant à un petit groupe de diplomates et d’officiers suisses pour qu’ils acquièrent une expertise en politique de sécurité. L’originalité de la formation a récolté un grand succès.
D’une part, le cours s’adressait à des praticiens qui bénéficiaient de l’expertise et de l’expérience d’une combinaison d’intervenants variés comprenant des professeurs d’université, d’experts issus de centres de recherche mais également de praticiens de haut niveau venant de la Maison Blanche, du Kremlin, et des zones de crises.
D’autre part, contrairement aux cours universitaires qui s’étalent généralement sur un semestre, chaque thème ou problématique traité était concentré sur une ou deux semaines. Les trois premières éditions du cours ont été uniquement destinées à des participants suisses. Face au succès de cette formation, qui répondait aussi aux besoins d’autres gouvernements, le cours a été ouvert à des participants étrangers, principalement d’Europe occidentale.

La chute du mur de Berlin (1989) marque un tournant
A partir de cette époque, la formation est désormais ouverte aux cadres des anciens pays du Pacte de Varsovie. De jeunes diplomates et officiers, qui se faisaient auparavant face de part et d’autres du Mur de Berlin, se côtoyaient désormais dans la même salle de classe. L’un d’entre eux est l’actuel Ministre polonais des affaires étrangères.

Les années 90 sont également riches de changements.
A cette époque, la Suisse est confrontée à des développements majeurs en matière de politique de sécurité, tant en Europe et en Afrique que sur le plan intérieur. D’une part, la guerre fait rage dans les Balkans (Bosnie, Serbie, éclatement de la Yougoslavie) et de nombreux conflits éclatent en Afrique dans la région des Grands Lacs. Le 12 juin 1994, la proposition du Conseil fédéral et du Parlement de créer un contingent de casques bleus suisses est rejetée par une majorité de la population.
Parallèlement, l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) se cherche une nouvelle mission après la fin de la guerre froide et la disparition de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie. Les pays d’Europe centrale et orientale transforment fondamentalement leurs politiques étrangères et de sécurité. Pour répondre à ces développements, l’OTAN créée en 1994, le Partenariat pour la Paix afin de fournir un cadre et des instruments de coopération pour instaurer des relations de confiance en Europe. La Suisse y adhère en décembre 1996. Elle décide d’y contribuer en proposant des cours de formation.

GCSP is in the business of preparation

C’est à ce moment que le GCSP voit le jour.
Une Fondation privée, financée majoritairement par la Confédération suisse, est crée. Pour lui fournir une stature internationale, le Conseil de Fondation est ouvert à des Etats. Au début 11 Etats sont représentés. Aujourd’hui, 51 Etats, dont tous les membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, ont rejoint le Conseil.

Quel est le mandat du GCSP ?
Le GCSP concentre ses activités dans quatre domaines : la formation des cadres dirigeants de tous milieux ayant un intérêt pour la sécurité internationale et la paix, la promotion du dialogue sur les questions de paix et sécurité, l’accueil d’experts au sein de son programme de Fellowship ainsi que l’analyse permettant de façonner des solutions originales et pertinentes aux défis de sécurité internationale.

Combien de cours sont dispensés ?
En 2017, nous organiserons plus de 80 cours de formation.

Quel est le nombre d’intervenants ?
Nous avons plus de 800 intervenants extérieurs chaque année. Ils représentent tous les acteurs internationaux : gouvernements, universités suisses et étrangères, centres de recherche internationaux, médias, secteur privé et associatif.

Et de participants ?
Nous accueillons environ 1100 participants par an, un chiffre qui a doublé au cours des deux dernières années.

Et combien de personnes ont été formées depuis 1995 ?
Le nombre de nos Alumni vient de franchir la barre des 6’000. Ils sont originaires de 165 pays. Ils occupent des responsabilités de premier plan dans des secteurs aussi variés que la diplomatie, les forces armées, les médias, les secteurs privés et associatifs, le développement durable, la finance ou la fonction publique.

Le Centre est également présent sur le terrain.
Effectivement. 80% de nos cours sont donnés à Genève, mais des formations sur mesure sont aussi organisées à Dakar, Addis-Abeba, Amman, Sarajevo, récemment à Bangui, Colombo, Bangkok, Tbilissi et New York.

Les cours sont-ils dispensés en différentes langues?
La grande majorité de nos cours sont donnés en anglais. De plus en plus, nous souhaitons donner nos cours dans la langue du bénéficiaire ou dans celle du pays ou de l’organisation hôte, ceci afin d’assurer un impact maximal sur les participants.

Quelle est la composition de la salle de classe idéale ?
Le Centre est en pleine évolution. Par le passé, nos participants étaient essentiellement issus des milieux gouvernementaux (diplomates, militaires, membres de cabinets présidentiels ou de premiers ministres). Actuellement, nous accueillons des représentants de tous les acteurs internationaux : organisations internationales, ONG, Fondations, entreprises du secteur privé, médias, etc. Il est fréquent dorénavant que dans une salle de classe nous ayons un représentant d’une ONG, comme Amnesty International, assis à côté d’un fonctionnaire d’un Ministère de la défense, d’une experte du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, d’un Colonel de l’US Air Force et d’un représentant d’une multinationale…

C’est donc votre objectif ?
Nous souhaitons briser les silos et jeter des ponts entre les différents domaines et les différents acteurs des relations internationales. Les Académies diplomatiques des Ministères des affaires étrangères, les Ecoles de guerre ou les Collèges de défense regorgent de connaissances, d’expertise, d’outils et d’instruments qui pourraient être très utiles au secteur privé, aux organisations internationales ou aux ONG. Une Académie diplomatique peut par exemple vous apporter une expérience en matière de négociation internationale ou d’analyse géopolitique. Dans les Ecoles de guerre ou les Collèges de défense, les expériences en matière de leadership, de stratégie ou de gestion de crises sont considérables…. Or ces formations ne sont pas, ou presque pas, ouvertes au secteur privé, aux organisations internationales ou aux ONG. Et inversement, si vous souhaitez accéder aux cours des Grandes Ecoles de commerce, tels qu’IMD ou INSEAD, leur prix d’entrée est tellement élevé qu’il exclut les représentants des ONG ou des gouvernements.

Quelle est votre proposition ?
Evoluer dans un monde complexe et incertain requiert par conséquent du courage, de la créativité et un leadership innovateur basé sur l’anticipation, une grande capacité d’adaptation et une agilité dans la capacité d’apprentissage. Le GCSP a pour ambition d’accompagner les dirigeants dans leur développement personnel, en mettant à jour leur connaissance, en approfondissant leurs compétences et leur donnant un état d’esprit adapté aux défis contemporains. Nous combinons pour cela l’expérience et l’expertise d’une communauté de professionnels de haut niveau.

Quel est le tarif des formations ?
Les trois cours traditionnels du GCSP (allant de 2 à 8 mois) sont offerts gracieusement par la Confédération suisse en tant que contribution à la paix et la sécurité internationale. Ces cours ont un grand succès. Nous acceptons un candidat sur quatre.

Vous avez décidé d’ouvrir l’accès à tout le monde.
Au cours des trois dernières années, nous avons plus que doublé notre offre de cours de formation alors que la demande de cours sur mesure augmentait elle aussi rapidement. Nous avons constaté un besoin croissant d’accéder aux compétences stratégiques ou géopolitiques, de comprendre le monde, de faire face aux nouveaux défis et d’avoir les instruments qui permettent de les anticiper et de les gérer. Raison pour laquelle nous avons ouvert nos cours au public avec un forfait.

We prepare and transform individuals and organizations to seize opportunities

Votre installation, en 2014, dans les locaux de La Maison de la Paix a-t-elle eu un impact?
Ce déménagement nous a obligé à repenser nos activités. Les développements en matière technologique ont bouleversé l’enseignement traditionnel. Nous avons par conséquent investit considérablement dans l’innovation en matière pédagogique, afin d’accroître la plus-value pour les participants et augmenter l’impact de nos formations. Nous avons aussi « injecté » un esprit entrepreneurial dans la Fondation. Cela nous a permis de créer de nouveaux services correspondants davantage aux attentes des bénéficiaires.

L’architecture tout en transparence et en lumière est-elle inspirante ?
C’est un lieu où l’esprit, l’atmosphère et l’énergie sont très positifs. Ce bâtiment nous a également permis de créer une quatrième activité. C’est le Global Fellowship. Il offre la possibilité à des personnes qui sont en transition de carrière, de passer quelques mois au Centre, de suivre nos cours de formation ou nos workshops pour mieux rebondir. Robert Glaser, par exemple, qui avait occupé durant plus de sept ans la fonction de Secrétaire général de CARE International a été Executive-in-Residence au GCSP avant d’être nommé Représentant spécial pour la réduction des risques de catastrophe à l’ONU.

Quelle est la particularité de cette activité ?
Cette plateforme, située au dernier étage du GCSP, que nous avons appelé le Creative spark, est également devenue un véritable incubateur de projets innovants et de start-ups. Elle nous apporte une grande diversité. Cette intersection de professions, de nationalités et d’expertises diverses suscite la créativité et l’innovation. Elle offre à nos fellows la possibilité de participer à la mission de la Fondation et de bénéficier de nos cours de formation qui leur permettront par la suite de rebondir professionnellement ou d’avoir un impact positif grâce au lancement d’un nouveau projet.

Combien de thèmes abordez-vous à l’heure actuelle ?
Nous traitons une vingtaine de thèmes liés aux questions de Paix et de Sécurité internationales. Ils varient en fonction des demandes des membres du Conseil de Fondation ou en fonction des thèmes qui prennent de l’importance. Nous venons de lancer, par exemple, de nouveaux projets sur l’Intelligence Artificielle, la prévention de l’extrémisme violent ou la combinaison des médias et de l’art pour la promotion de la Paix. Nous étions parmi les premiers à être engagés dans le domaine de la cyber-sécurité il y a plusieurs années.

Quel est le programme qui a le plus de succès ?
C’est celui qui a trait au leadership. Nous avons établi un partenariat avec le Center for Creative Leadership, l’un des leaders mondiaux dans la formation en matière de leadership. En combinant notre expertise en matière de paix, sécurité et géopolitique avec leur expérience en leadership, nous répondons à un besoin croissant. Dans chacun de nos cours, nous avons ainsi ajouté une composante « leadership ».

Quelles orientations voulez-vous donner au Centre ?
Dans toutes nos activités, nous mettons l’accent sur trois axes : favoriser la collaboration, au sein, et entre les institutions ; encourager la créativité de nos participants afin d’accroître leur agilité face aux défis actuels et futurs et finalement créer la confiance en soutenant le dialogue entre adversaires et opposants en nous appuyant sur les principes d’impartialité et d’inclusion.

Cooperation GCSP – China

La coopération entre le GCSP et la Chine a débuté à la fin des années 2000 avec des contacts divers et des réunions ad hoc entre le Centre, différents Think Tanks chinois, Académies, avant d’adopter un format plus structuré vers la fin de 2010 dans le cadre de la promotion de sa politique  dans les domaines de l’éducation et du dialogue.

A partir de ce moment le GCSP a commencé à recevoir régulièrement des étudiants chinois pour suivre ses cours de formation de base sur la sécurité internationale et formaliser sa coopération avec l’Institut chinois des Etudes Stratégiques Internationales (CIISS) par le biais d’un memorendum d’entente institutionnalisant des séminaires conjoints annuels portant sur toutes les questions liées à la sécurité internationale. En outre, le GCSP s’est engagé avec d’autres groupes de réflexion chinois sur une base plus ponctuelle, comme l’Institut chinois pour les relations internationales contemporaines (CICIR), ainsi que des académies telles que l’Université Beida et l’Université Renmin. En outre, la coopération avec la Chine s’étend aux événements internationaux, comme la participation du GCSP au Forum Xiangshan sur la sécurité internationale, une conférence annuelle à Beijing et la participation du CIISS à la table ronde de Zermatt, conférence internationale suisse sur la sécurité en Asie du Nord-Est et le Pacifique. Diverses délégations chinoises visitent le Centre chaque année. La Chine est membre du Conseil de Fondation du GCSP depuis 2010.

Que vous a apporté le temps passé à la direction du GCSP ?
Il m’a permis de mesurer la puissance de l’éducation et de la formation continue sur la transformation personnelle et organisationnelle. Il m’a aussi appris la grande humilité qu’on se doit de conserver face aux connaissances des autres. Et en étant constamment confronté à des participants provenant de zones de conflit, qu’ils soient réfugiés, victimes ou combattants, il m’a permis de mettre en évidence chaque jour le privilège d’être né dans en pays en paix et souligné l’importance d’en être reconnaissant.

www.gcsp.ch