Le Directeur général de l’Office des Nations Unies à Genève, Michael Moller passe en revue l’année 2017, période durant laquelle la phase physique de la rénovation du Palais des Nations a débuté. La construction du nouveau bâtiment va durer deux ans.
Malgré quelques déceptions, telle que la mise en place de l’Accord sur le climat et la gestion difficile de problèmes persistants dans le domaine de la migration, le haut fonctionnaire onusien considère que les grands défis de notre ère se situent devant nous. Néanmoins il demeure optimiste et constate déjà une évolution positive dans les méthodes de travail qui se veulent plus intégrées et collaboratives.
Renforcement des capacités des ODD
Un des éléments positifs de l’année 2017 est la réalisation, surtout à Genève, des Objectifs du Développement Durable (ODD), rassemblés dans l’Agenda 2030. Cet instrument s’est avéré beaucoup plus fort et plus performant que prévu. Ces 17 objectifs définis par les pays-membres des Nations Unies en 2015 englobent tous les problèmes que nous avons aujourd’hui sur la planète. Ils sont vraiment devenus la feuille de route globale qui facilite énormément le travail et l’intégration de beaucoup d’acteurs qui auparavant ne se parlaient pas. Raison pour laquelle nous renforçons actuellement cet outil. Fin 2016, j’ai créé, une unité au sein de mon bureau nommée Laboratoire des Objectifs du Développement Durable afin de permettre l’échange d’informations et de bons usages, d’éviter les doublons, de mettre en place des conversations durables entre des acteurs de la Genève Internationale mais également entre ici et le reste du monde. Le terrain a également toute son importance car c’est le lieu où la preuve de l’efficacité de ces objectifs se démontre.
Nous constatons aussi un intérêt grandissant du monde des affaires qui s’est rendu compte que les ODD peuvent être lucratifs. Il en va de même pour la jeunesse qui comprend qu’il faut avoir un mode de vie viable. Autre élément positif est la prise de conscience grandissante que l’on constate chez les dirigeants d’entreprises. Ils ont intégré l’importance d’être un bon citoyen global. Cela nous permet d’être remplis d’espoir pour les jours à venir.
« Le meilleur gage de succès est lorsque l’on commence à vous copier »
Modification du langage
Afin de convaincre tous les individus sur l’utilité et l’impact du travail du système, il est important de changer la manière de raconter les choses. Il est important que les activités des Nations Unies et de ses partenaires tant ceux des organisations non-gouvernementales que de la société civile ou du monde des affaires que nous essayons d’associer de plus en plus, soient comprises. Dans le domaine académique nous sommes occupés à créer des collaborations pour nous assurer que les chercheurs effectuent un travail utile pour ceux qui mettent en place des solutions. Preuve de ce succès, le Rapport annuel 2016 a récemment gagné le prix de meilleur rapport annuel aux Etats-Unis. Le livre de contes pour enfants, compilation de récits populaires de différentes régions du monde, qui a pour but d’instruire les jeunes lecteurs à propos des Objectifs de Développement Durable (ODD) et la manière dont les Nations Unies et les autres organisations internationales travaillent ensemble afin d’atteindre ces défis mondiaux est un franc succès. Plusieurs pays étudient la possibilité de les distribuer dans toutes leurs écoles. Ce qui est aussi un gage de succès. Le livre est déjà traduit dans plusieurs langues et un pays d’Amérique latine souhaite le traduire en langue indigène.
Egalité des sexes
En 2015 l’Office des Nations Unies à Genève a créé les Champions internationaux de l’égalité des sexes de la Genève internationale (International Gender Champion/Geneva). Les quartiers généraux à New York ont repris ce concept ainsi, le Secrétaire général, Antonio Guterres, a lancé une nouvelle Stratégie sur la parité des sexes applicable à l’ensemble du système des Nations Unies en septembre de l’année en cours. Il fait d’ailleurs partie des Champions.
Nous sommes, d’une certaine manière, victime de notre succès car pour s’assurer de la poursuite et du suivi des actions engagées il nous faudra bientôt repenser l’initiative qui a été lancée au départ sans moyens financiers et qui requiert de plus en plus de ressources humaines. Nous sommes contents de constater que le principe fonctionne et qu’il permet de changer les choses.
Paix, sécurité et action
Au cours de l’année 2017 le Palais des Nations a été le témoin de nombreux événements liés à la paix et la sécurité. Dans un monde fragmenté, rempli de confrontations et plus difficile chaque jour, plus que jamais Genève s’inscrit comme la ville de paix par excellence. Son histoire, son expertise et l’écho système qui y existe accompagne de manière efficace et opérationnelle les efforts de paix que ce soit pour la Libye, le Yémen, l’Irak, l’Afghanistan, ou la Syrie. Depuis deux ans nous essayons de nous adapter pour avoir la capacité d’accueillir ces activités croissantes.
La nouvelle compréhension des actions nécessaires pour atteindre la paix est beaucoup plus sophistiquée. La médiation est un travail qui débute des années en arrière. Nous savons désormais qu’il faut anticiper les événements et s’attaquer aux racines des problèmes avant qu’ils ne dégénèrent. Raison pour laquelle il faut étudier, de manière intégrée, les questions liées au climat, au commerce, aux affaires humanitaires. Le changement fondamental ne doit pas seulement s’opérer au sein du système des Nations Unies mais également dans les capitales.
Dynamique différente
Nous sommes occupés à créer une dynamique différente de collaboration entre toutes les agences du système des Nations Unies et les acteurs basés à Genève. Au travers des ODD des collaborations inimaginables voient le jour. Tout le monde a compris qu’il faut travailler ensemble pour obtenir un résultat et j’encourage autant que possible ces démarches. Comme les moyens financiers sont réduits nous utilisons notre imagination pour trouver des solutions.
Le Laboratoire des ODD (SDG Lab) aide les différents acteurs à se coordonner et facilite l’interaction organisée pour assurer l’efficacité.
Réforme des Nations Unies
Pour permettre de procéder à des changements fondamentaux du système des Nations Unies afin d’amplifier l’impact de ses actions, une attitude très différente des pays-membres est requise. Il en va de même pour la volonté politique qui doit être capable de voir au-delà du court terme et donner au Secrétaire général de l’ONU une marge de manœuvre beaucoup plus grande que celle qu’il a aujourd’hui. La micro gestion, grandissante au fil des années, va devoir être mise de côté pour fournir la flexibilité nécessaire pour changer un système lourd et rouillé. Nous sommes dans un monde en pleine mutation et il faut prendre en compte les évolutions. Si nous ne changeons pas, nous mourrons.
Rôle de la Chine
La Chine est un pays incontournable et un acteur de la nouvelle forme de solidarité qui apparaît. Les discours du Président Xi Jiping, à Davos et au Palais des Nations (janvier 2017), ont donné le coup de départ d’une nouvelle politique chinoise qui positionne la Chine comme défenseur du multilatéralisme, du libre-échange et des Nations Unies. Le pays va être un des moteurs du changement dans un monde de plus en plus multicentrique où plusieurs grandes puissances vont être obligées de travailler ensemble.
Priorités de 2018
Nous espérons que 2018 sera l’année de la mise en marche des réformes du système des Nations Unies pour que l’application puisse débuter en 2019. D’ici là nous allons nous assurer que l’ONU ait des actions de plus en plus préventives. Nous ne pouvons pas accepter que dans un monde où nous possédons expertise et moyens, des situations telles que celles qui existent en Centrafrique, au Mali ou au Yémen existent. Une nouvelle solidarité internationale, soutenue par une volonté politique, doit voir le jour. Au vu des mouvements incroyables opérés par les plaques tectoniques géopolitiques, les acteurs de l’avenir seront différents.